Les golden sixties !
Durant les années soixante, la Royale Compagnie du Cabaret Wallon Tournaisien va atteindre le sommet de son art et aussi de sa popularité grâce à "l'Orvue de l'Karmesse", un événement incontournable dont l'immense succès va l'obliger à multiplier les représentations entre le mois de septembre et la Toussaint (et même jusqu'au début du mois de décembre pour les dernières éditions). Vingt-huit revues à grand spectacle ont ainsi été mises sur pied par la troupe des chansonniers tournaisiens entre 1948 et 1975. En 1982, à la Maison de la Culture, un public estimé à 19.000 spectateurs eut droit à une première revue-souvenir intitulée "Quand ch'éteot l'Orvue". Une ultime édition sera montée, en 2008, dans le cadre de l'année du centenaire, celle-ci résumait les précédentes en reprenant les meilleures scènes.
Jadis, Albert Coens et Eloi Baudimont écrivaient la presque totalité des sketches, sacrifiant, chaque année, leurs vacances à la recherche de gags, de quiproquos, de situations comiques qui déclenchaient les rires des spectateurs. Un travail méticuleux car il faut savoir que chaque scène avait son décor et aussi ses costumes.
Les titres étaient toujours en rapport avec l'actualité de l'année : "Chach'est bazar" (l'année de l'ouverture de la grande surface de la rue de la Tête d'Or en 1962), "Féaut caire d'ssus" (l'année du premier alunissage en 1969), "Ein point, ch'est tout" (l'année des élections en 1970), "Tout feu, toutfemme" (à l'occasion de l'année de la femme en 1975)... Avec la participation des ballets de Mme Vercauteren, de l'orchestre du Cabaret dirigé par Anselme Dachy mais aussi avec les renforts d'Angélina Delcourt, Arlette Décarpentrie, Jacqueline Jardez, Jacqueline Perron, Anna Rivière, Anna Roberte, Raymonde Voiturier, de l'épouse de Richard Leclaire, de Robert Léonard, Léonard Rivière, Gaston Voiturier, Christian Bridoux (déjà !) et bien d'autres, c'étaient plusieurs dizaines de rôles qui occupaient la scène durant près de quatre heures. La revue "Tout feu, tout femme" fut jouée à vingt-huit reprises et vue par plus de 14.000 spectateurs. Un spectacle d'amateurs qui laissait rêveur certains professionnels !
1966 : Jojo (Lucien Jardez) et Nénesse (Marcel Roland), deux compères qui apparaissaient entre les différentes scènes des revues.
Jojo et Nénesse, les deux amis ont vraiment été mis à toutes les sauces. On les a vus agents de police (notre photo), écoliers en culottes courtes (l'année de l'apparition de l'enseignement rénové), colleurs d'affiches (l'année des élections), astronautes (l'année où le premier homme a posé le pied sur la lune), aéronautes, adeptes du sauna et même transformés en femmes (lors de l'année de la femme)...
Comme je l'ai dit, j'ai eu la chance de connaître dans ma jeunesse Edmond Godart et Georges Delcourt, en tant que voisins, j'ai aussi eu le plaisir de travailler en compagnie de Marcel Roland. Directeur d'agence à la Banque de Bruxelles, sa popularité et sa gentillesse lui ont amené de nombreux clients, tout heureux d'être conseillés par "Monsieur Nénesse" du Cabaret. Ce sympathique chansonnier était né le 20 juin 1921 à Tournai. Lauréat du Concours Prayez en 1953 avec sa chanson "L'Parc communal", il devint membre du Cabaret en 1959. En tant que directeur d'agence bancaire, c'est logiquement qu'il fut nommé au poste de Trésorier en 1980. Auteur de chansons, il était surtout un remarquable interprète qui vivait ses textes sachant transmettre son émotion au public ou déchaîner les éclats de rire dans la salle. On le voit encore sur le ponton interpréter : "La vietournaisienne" ou "M'pétite école", compositions personnelles ou bien "L'Maclotte" de Fernand Colin, "L'Crasse pinte" de Léopold Kain, "OnMinche bin à Tournai" de Georges Delcourt ou "Ein scandale au roduit"d'Adolphe Prayez. Marcel Roland qui demeurait à la rue Royale nous a quittés en 2000.
1966 : Lundi perdu, la tradition a été respectée, Anselme Dachy, l'accompagnateur des chansonniers (à côté de Lucien Jardez), est le nouveau roi de la société tandis que Walter Duvellier en est "l'seot" (à côté de Robert Pollet).
Je risque de me répéter en disant que je rencontrais souvent Walter Duvellier puisque celui-ci a également habité dans une résidence du boulevard Bara, à deux pas de chez Georges Delcourt. Il était né le 3 avril 1903 à Chalon-sur-Saône (France). C'est en qualité de violoniste, musicien d'orchestre, qu'il est entré au Cabaret en 1924. A cette époque, les chansonniers n'étaient pas seulement accompagnés d'un pianiste, comme ce fut le cas par la suite, mais par un orchestre complet. Il a exercé la fonction de Trésorier de 1954 à 1959 et a été Vice-président de 1965 à son décès survenu le 14 mai 1974. Walter Duvellier exerçait la profession de Secrétaire au conservatoire de Musique. Au sein de la Compagnie, il était un interprète des chansons humoristiques puisées dans le répertoire des anciens. "L'fier à r'passer" semble être le seul monologue écrit par lui.
1966 : Lors d'un "Petit Cabaret", Louis Urbain s'avance vers le micro, au piano, on retrouve Anselme Dachy, au premier rang (de gauche à droite) Edmond Godart - Lucien Jardez - Walter Duvellier. Au second rang : Eloi Baudimont - Albert Coens - Jean Leclercq - Robert Delvigne (?).
1966 : Sous le titre "Le Cabaret part en vacances", les joyeux chansonniers tournaisiens annoncent leur spectacle du 12 mars en la Halle-aux-Draps. On reconnaît au centre du second rang Georges Delcourt et son épouse Angélina. Au premier rang, à droite, un des derniers entrés : Edmond Roberte.
Depuis toujours, la Royale Compagnie du Cabaret Wallon Tournaisien prête son concours à des œuvres philanthropiques. Les chansonniers se produisent à titre gratuit pour des associations caritatives ou a finalité sociale. On voit ici quelques membres lors d'un après-midi de 1967 à la Maison de Retraite des Sœurs de la Charité. Ce document nous permet de reconnaître Angélina Delcourt (la dame en noir à gauche), à côté de Marie-Louise Urbain et Fernande Durieux, l'épouse de Marcel Roland (à droite).
Je crois qu'il est utile de mettre à l'honneur ces gens de l'ombre que sont les épouses et compagnes des membres du Cabaret. Personne ne peut imaginer l'abnégation dont elles font preuve, le nombre d'heures qu'elles ont partagées avec cette "maîtresse envahissante" qu'est la Royale Compagnie. Petits et grands Cabarets, séances philanthropiques, prestations à Bruxelles ou ailleurs, écriture des chansons ou monologues, réunions hebdomadaires au local (durant lesquelles est bien souvent organisée une... troisième mi-temps !), préparation des spectacles et écriture des revues, répétitions pour ces dernières et soirées théâtrales en la Halle-aux-Draps, voilà autant d'absences justifiées d'un mari accaparé par le Cabaret. De plus, cette passion pour notre patois prend le plus souvent place après une journée de travail.
Au sein de la Compagnie, l'Amitié n'est pas un vain mot. On voit les membres du Cabaret se recueillir sur la tombe d'André Pouril disparu en février 1967.
Si désormais le Cabaret fête la Wallonie dans le salon de la Reine de l'Hôtel de Ville, il fut un temps où la cérémonie se déroulait au "Pichou Saint-Piat", le monument à la Chanson et à la Littérature wallonne. Le présent document représente la cérémonie qui s'y est déroulée en 1968. On reconnaît le président Lucien Jardez entouré d'André Glineur (à sa droite), autre excellent auteur patoisant, membre du Théâtre Wallon Tournaisien, et du bourgmestre Jean Hachez (à sa gauche).
On sait que les traditions sont respectées par le Cabaret. Voici donc, en 1975, la bande de joyeux compères réunis sur le "bourloire" du café "Colombophile"à Kain pour l'annuel jeu de boule carréaulé. On reconnaît en bas (de gauche à droite) : Edmond Roberte - Albert Coens - Ghislain Perron. Debout : Max François - Louis Urbain - Marcel Roland - Lucien Jardez - Jean Leclercq - Anselme Dachy - André Dupriez et Charles Ghio. Ce jour-là, Charles Ghio allait être sacré roi de la Société. Peut-être ne doutait-on pas encore qu'Albert Coens allait cesser toute activité au sein de la Compagnie l'année suivante ! Le jeu de boule se terminait toujours par un souper aux "petits légumes".
Pour clôturer les années septante, voici le Cabaret au grand complet en 1977. A cette occasion, le public découvre les deux nouveaux membres (en haut, à gauche) : Jean Pierre Verbeke et André Wilbaux.
(sources : documents extraits de la presse locale grâce à la collaboration de Jean-Paul Foucart et souvenirs personnels de membre-sympathisant du Cabaret).
S.T. février 2017.