Un peu d'Histoire.
Le visiteur qui arrive à Tournai par la Nationale 7 en provenance de la frontière française et qui désire se rendre sur le forum tournaisien pénètre inévitablement dans la cité des cinq clochers par la place de Lille. Cet espace triangulaire a longtemps été fermé par un des éléments de la dernière enceinte de Tournai, la "porte de Lille". La reproduction ci-contre représentant cette dernière date d'avant 1865, époque à laquelle son démantèlement a débuté. C'est, en effet, en février de cette année-là qu'on a procèdé à l'enlèvement des terres qui la recouvraient.
Au moyen-âge, ce lieu portait le nom de "Market as Vaques" (Marché aux Vaches). Le marché au bétail s'y tint jusqu'à son déménagement vers la rue Perdue sur décision des Consaux du 9 juin 1587. L'historien Hoverlant avance qu'elle aurait pu s'appeler "place Saint-Mard" en raison de la proximité de l'abbaye à laquelle l'église Sainte-Marguerite a été rattachée par Louis XIV, mais aucun document ne semble attester cette appellation. Suite à la disparition du marché, elle prendra le nom de "Vieux Marché aux Vaches", une dénomination qu'elle conservera jusqu'après la démolition des fortifications.
L'église Sainte-Marguerite.
Aux environs de l'année 1280, une paroisse s'établit en ce lieu, alors faubourg de la ville. Ce nouveau quartier est abrité par la nouvelle enceinte qui a vraisemblablement été construite entre 1277 et 1282. Une église paroissiale est édifiée et l'édifice religieux s'ouvre sur le Marché aux Vaches tandis qu'un de ses flancs longe la rue As-Pois (ou As-Poids) parallèle au rempart qui relie la porte de Lille à la porte Saint-Martin. Ce nouveau lieu de culte est dédicacé à Sainte-Marguerite d'Antioche, jeune vierge martyrisée sous l'empire romain, déjà vénérée à l'époque en la cathédrale de Tournai. De style gothique, sa nef est précédée d'un clocher surplombant le portail. Ce dernier ne sera construit qu'après 1350. En 1733, si on excepte la tour, la totalité de l'église est détruite par un incendie. Sa reconstruction débutera en 1756. Elle prendra désormais la forme qu'on lui connait encore actuellement, décrite comme un étroit et haut vaisseau de briques, austère à l'extérieur mais particulièrement lumineux à l'intérieur. Son porche et sa tour seront classés en 1936. Parmi les nombreuses œuvres d'art qu'elle possédait, relevons une Gloire attribuée à l'artiste tournaisien, Nicolas Lecreux, datant du XVIIIe siècle.
On a failli la fermer, une première fois, au culte en septembre 1880 lorsque le conseil communal de Tournai, soutenu par le ministre libéral et anticlérical Jules Bara, opta pour le rattachement de la paroisse à celle de Saint-Quentin. Devant l'émoi provoqué parmi les habitants du quartier et le refus des fabriciens, elle fut maintenue. En 1960, la réorganisation des paroisses de Tournai lui est, cette fois, fatale, elle est définitivement supprimée et rattachée à la paroisse de Saint-Quentin-Saint Jacques. Allait alors débuter une longue descente aux enfers. Refuge de colonies de pigeons, le fier vaisseau qu'on peut voir depuis la chaussée de Lille allait se dégrader peu à peu, au point de voir une partie de la charpente couvrant la nef s'effondrer. On évoqua, de loin en loin, sa possible réaffectation en une salle culturelle ou en un lieu pour des festivals de musique rattaché à la Maison de la Culture toute proche grâce à son acoustique exceptionnelle. En 1988, les cloches sonnèrent une dernière fois pour annoncer l'unique concert qu'elle accueillera. Les associations du quartier avaient espéré pouvoir disposer d'une salle de réunion et de festivités mais aucun des projets ne fut réalisé.
Dix-sept années passèrent. En 2005, la société Monument Hainaut SA, spécialisée dans la restauration des monuments déposa un projet de réaffectation de l'église en espaces d'expositions et de bureaux sur une structure interne métallique autoportante. Ce nouveau projet fit lui aussi long feu. Sept ans plus tard, un autre promoteur obtint le permis de bâtir pour la réalisation d'appartements de très haut standing formant trois étages au-dessus d'un espace dont la destination, à ce jour, n'a pas encore été définie, l'administration communale ne disposant pas de moyens financiers suffisants pour la gestion d'une nouvelle salle culturelle. Les luxueux appartements offrant une vue imprenable sur Tournai sont en cours d'occupation, l'entrée se faisant par la rue As-Pois.
Les maisons voisines.
Un projet concerne les deux maisons qui jouxtent la partie gauche de l'église lorsqu'on la regarde depuis la place. Les deux bâtiments, sans cachet architectural particulier, qui s'y trouvent : un restaurant et une librairie vont prochainement être démolis pour laisser la place à deux immeubles à appartements construits par la société qui a réalisé la transformation de l'ancien lieu de culte. Il est à noter que, suivant les informations disponibles actuellement, le restaurant reviendrait au rez-de-chaussée après la réalisation des travaux.
La série d'immeubles qui avoisinent ces deux bâtiments ont subi ou vont subir d'importantes transformations. Ainsi, lors de cette dernière décennie, l'ancien hôtel à l'enseigne "Aux Armes de Tournai", tenu par Maggy Dehem qui participa au concours de Miss Belgique, a été complètement restauré et transformé : des appartements de standing s'élèvent sur deux étages au-dessus d'un rez-de-chaussée commercial où prendra place, dans les prochaines semaines, la libraire Lenglez. Cet immeuble est mitoyen du restaurant grec à l'enseigne du "Greco". L'immeuble d'articles d'électricité Van Coppenolle est inoccupé depuis la mort de son propriétaire en 2013. A côté, se trouve une pizzéria "Le Stromboli". Un peu plus loin, l'ancien garage à l'enseigne "Caltex", marque de carburant dans les années cinquante et soixante, a cessé d'exister à la fin des années nonante, cette fermeture est intervenue dans le cadre de la disparition programmée des stations-services possédant des cuves de carburants dans le centre de la ville. L'ancien parking qui existait déjà à l'époque a été intégré au projet d'un vaste parking couvert s'étendant désormais derrière l'église Sainte-Marguerite et les bâtiments précités avec accès par la rue As-Pois. Le bureau de la station-service est devenu, comme c'est souvent le cas à Tournai dès qu'une surface se libère, un magasin de nuit.
La plus petite maison de Tournai.
A droite de l'église, on découvre la plus petite maison de Tournai, coincée entre le café qui fait l'angle de la rue As-Pois ("A la bonne frite") et le porche de Sainte-Marguerite. Après la seconde guerre mondiale, cet immeuble étroit était occupé par Mr et Mme Jules De Winter qui y tenaient un salon de coiffure pour hommes. Il va sans dire qu'un seul client y était coiffé à la fois et que la partie réservée à l'attente se réduisait, tout au plus, à deux chaises. Cette petite maison vient d'être rénovée, sa toiture a été refaite, ses briques ont repris la couleur sang de bœuf et les boiseries ont été remplacées. Le bâtiment est actuellement "à louer". La photo ci-contre la montre, telle qu'elle était il y a une dizaine d'années, peu avant sa restauration.
La colonne française.
C'est sous le mayorat de Roger Delcroix que la place de Lille a pris sa configuration actuelle. Jusqu'à la fin des années quatre-vingt, le parking se situait au centre de celle-ci entourant le monument appelé "la colonne française".
Celle-ci représente une déesse tournée vers la France, palme à la main, installée en haut d'une colonne en granit rouge. Cette oeuvre de Sonneville et Daret a été érigée en mémoire des soldats français qui, en 1832, deux ans après l'indépendance de la Belgique, allèrent faire le siège d'Anvers et combattre les soldats de l'empereur hollandais Guillaume qui avaient entrepris une tentative de reconquête des territoires perdus. A sa base, elle comporte les blasons des provinces de Belgique.
D'autres immeubles...
Entre la rue des Bouchers Saint-Jacques et la rue des Carmes (en partie visible derrière la colonne française) se situe l'ancien hôtel particulier du prince de la Tour d'Auvergne, un noble français, cet hôtel de maître a été, depuis environ deux décennies, transformé en lieu de réunion et de bureaux. Sur le même trottoir, on découvre également une boulangerie, un lieu de réunion pour jeunes, la "Maison des Notaires" et un immeuble particulier à l'angle de la rue des Carmes. Le bâtiment qui se dresse à l'angle de la place de Lille et de la rue Blandinoise, abritant aujourd'hui un lavoir automatique était jadis occupé, lui aussi, par un salon de coiffure.
Sur la partie comprise entre la rue Blandinoise et la porte de Lille, on trouve un café surtout fréquenté par les étudiants des établissements scolaires situés à proximité : la Haute Ecole de la Communauté Française du Hainaut (ex-école Normale), les Ursulines et le Collège Notre-Dame. Une sandwicherie a remplacé, naguère, l'ancien restaurant "100Patates", le resto "La caverne auxPirates" a succédé à la "Grotte à steaks", ce lieu de restauration avait été ouvert dans les bâtiments occupés jusque dans les années septante par la Compagnie du Gaz (Intourgaz), une discothèque, "le 747" lui était annexé. Un coiffeur a succédé à la mutualité libérale juste à côté d'un magasin automatique qui a fermé ses portes, il y a quelques années, et n'est plus occupé. A la place du garage tenu par Jules Lucq, jusque dans les années soixante, s'élève désormais la "chocolaterieartisanale Léger" et le café, encore ouvert dans les années septante, situé à l'angle du boulevard Léopold, a fait place à "Pizza Hut".
Face à ces immeubles, sur la partie comprise entre l'angle du boulevard Bara et la rue As-Pois, on trouve une sandwicherie, une maison particulière, commerce de chaussures jusqu'au début des années septante, tenu par le cordonnier Louis Ducoulombier et son épouse, un café-friterie et un cabinet dentaire qui a remplacé la boulangerie tenue par Mr et Mme Decancq. Une observation minutieuse de la façade de cet immeuble révèle la présence de cartouches décrivant les différentes étapes de la fabrication du pain.
Tout comme la place Reine Astrid (voir article à ce sujet), la place de Lille a régulièrement hébergé les métiers forains lors des extensions de la kermesse jusqu'au moment du transfert de celle-ci sur la plaine des Manœuvres (ou esplanade du Conseil de l'Europe). Depuis sa rénovation, elle accueille, chaque samedi matin, le marché aux produits bio et est aussi le rendez-vous des fleuristes ambulants. Chaque année, au mois de septembre, l'Association des Dames françaises de Tournai organise une cérémonie d'hommage au pied de la colonne française.
(Sources : "Tournai, Ancien et Moderne" d'A.F.J Bozière - "L'église Sainte-Marguerite à Tournai Survivre" ouvrage édité en 2008 par l'asbl Pasquier Grenier - articles de la presse locale - recherches personnelles - documents photographiques 1, 2, 3 et 6 tirés de la presse locale "Nord Eclair" et "Courrier de l'Escaut", 4, 5 et 7 : collection de l'auteur).