Un peu d'Histoire.
Située dans un triangle compris entre le beffroi, le parc communal et le Palais de Justice, celle qui fut appelée initialement la "place du Parc" est une des plus récentes de la cité des cinq clochers, sa création remonte, en effet, à l'année 1822. Elle est l'œuvre de l'architecte tournaisien Bruno Renard. Il s'agissait alors d'une place fermée qui aboutissait à une terrasse et à un vaste escalier donnant accès à un jardin botanique. A cette époque, ce jardin était fermé par des grilles. En 1837, la place du Parc va être désenclavée par la création de la rue d'Espinoy qui va la relier à la rue des Jésuites. Notons au passage que le nouveau Palais de Justice n'avait pas encore été érigé à l'endroit qu'il occupe actuellement. Ce n'est qu'au XIXe siècle qu'elle prendra le nom de "place Reine Astrid", en souvenir de l'épouse du roi Léopold III, tuée accidentellement à Küsnacht, en Suisse.
La salle des Concerts.
C'est le bâtiment emblématique qui domine cette place. Longtemps appelé le "tambour à pattes" par les Tournaisiens, il a failli disparaître durant les années qui suivirent la seconde guerre mondiale. Son histoire est faite de rebondissements.
Le bâtiment de style néo-classique est aussi vieux que la place elle-même puisque sa construction débuta en 1822. Le 18 mars, le bourgmestre et les échevins procédèrent à la pose de la première pierre, enterrèrent au pied de la troisième colonne à partir de la droite un coffret en plomb contenant des pièces à l'effigie de Guillaume Ier et fixèrent une plaque en cuivre rappelant cet évènement. Son inauguration eut lieu le 12 mai 1824. L'historien Hoverlant ne semblait pas conquis par ce nouvel édifice dont il déclare qu'il coûta très cher et ne répondit pas à l'attente du public. La construction exauçait cependant le vœu des magistrats et de l'architecte en abritant un marché couvert sous ses colonnades du rez-de-chaussée et une salle de concerts semi-circulaire à l'étage. Sa façade dessine un hémicycle et son unique étage, percé de hautes fenêtres, s'appuie, en partie, sur des colonnes doriques en pierre bleue. La base de celles-ci repose sur une plinthe continue, reliée aux fûts. La salle des concerts fut, durant la seconde partie du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle, un des hauts lieux de la vie mondaine et culturelle à Tournai. On y organisait des spectacles, des soirées dansantes, des banquets et des réunions politiques. Durant la guerre, suite à la destruction d'une partie du théâtre de la rue Perdue, elle accueillit notamment les représentations du Théâtre Wallon d'Edgard Hespel.
Vieux de plus de cent trente ans, le bâtiment s'est peu à peu dégradé et, en 1955, le conseil communal décide de procéder à des réparations d'urgence au niveau de la toiture et d'affecter le rez-de-chaussée au bureau de chômage. En 1967, l'architecte tournaisien Henri Lacoste publie son "Manifeste pour sauver la salle des concerts" qui laisse totalement insensible l'édilité communale. Beaucoup voudraient voir disparaître ce bâtiment délabré, ce chancre qui enlaidit la place. Un promoteur veut y ériger une haute tour, bâtie en biais, reposant sur un quadrilatère à usage de bureaux. Elle concurrencerait, selon lui, le beffroi et la cathédrale, un rêve semblable à celui que fera le sieur Michelin, cinquante années plus tard, avec sa tour qu'il souhaitait ériger sur la place Paul-Emile Janson. En 1976, les partisans de son sauvetage retardent les tentatives de démolition en faisant classer la toiture. En 1977, la nouvelle majorité issue de la fusion des communes confie à l'architecte André Wilbaux, la rénovation de l'édifice. Un architecte confirmé allait mettre fin aux rêves des jeunes loups, adeptes comme nous l'avons vu pour la rue Perdue, du "Dieu béton". Les travaux seront réalisés entre 1978 et 1984. En mai de cette année-là, le Conservatoire de Musique, à l'étroit dans ses locaux de la rue Saint-Martin, y emménage. Le bâtiment sera inauguré le 31 août, à la veille de la rentrée.
A l'aube des années 2000, des malfaçons apparurent au niveau de la façade, des pans entiers de plâtre entourant les fenêtres ou composant les moulures commencèrent à s'effondrer sur la voie publique. Une nouvelle rénovation se révéla rapidement nécessaire. Un inesthétique filet l'entoura, durant des années, sans pour autant décourager les pigeons, les joyeux volatiles y batifolant en déposant leur guano au pied des colonnes. On parla beaucoup de ce chantier mais il faudra néanmoins attendre l'année 2014 pour voir le bâtiment enfin ceint d'échafaudages : toiture, façade, châssis, tout est refait, des vitres viennent désormais fermer les espaces entre les colonnes. Ces travaux viennent de prendre fin, actuellement, l'intérieur du bâtiment est en cours de réaménagement.
Le garage Delune.
A droite de la salle des concerts, dans le courant des années cinquante, s'ouvre le garage tenu par Mr. et Mme Roger Delune, concessionnaires de la marque automobile française Simca. Il a été construit à l'emplacement de l'hôtel Louis XVI démoli après la guerre. Ce garage fermera ses portes au début du XXIe siècle, les vitrines d'exposition seront un temps occupées par un distributeurs de meubles qui abandonnera bien vite les lieux. Le bâtiment fait désormais l'objet d'une rénovation. On a évoqué la création d'une galerie qui relierait la rue Saint-Martin à la place Reine Astrid mais ce projet semble bien loin de se concrétiser, une partie de l'immeuble de la rue Saint-Martin venant d'être repris par un organisme financier. Beaucoup de Tournaisiens l'ignorent mais une chapelle est enclavée entre l'immeuble de la place Reine Astrid et l'ancien hôtel de maître appartenant à la famille Dusquesne de la Vinelle, aujourd'hui disparu à la rue Saint-Martin. il s'agit de la chapelle Saint-Eloi dont l'édification remonte probablement au XIIe siècle.
L'Hôtel Gorin.
Cet imposant hôtel particulier fut construit en 1825 par Jean-Baptiste Dapsens père, marchand chaufournier, au moment de l'aménagement de la place du Parc. Il fut ensuite occupé par la famille Gorin, riches industriels dans le secteur de la tannerie. L'édifice est de style néo-classique. Ayant souffert des bombardements de 1940 et étant déjà fortement dégradé avant le début de la guerre, il fut restauré et accueillit le commissariat de police de la première division (rive gauche) jusqu'au regroupement des services à la rue de l'Athénée sous le mayorat de Jules Hossey. Le bâtiment restera une vingtaine d'années à l'abandon. En 1983, le conseil communal lui trouve une affectation, il abritera le Musée de la Tapisserie ainsi que la Fondation de la Tapisserie, des Arts du Tissu et des Arts muraux de la Communauté française. En raison des dégradations engendrées par la mérule, l'architecte, Pierre Petit, chargé de la rénovation doit se résoudre à faire du "façadisme"*, le reste du bâtiment est totalement reconstruit. C'est lors de la première édition de la Triennale de la tapisserie et des arts du tissu, en 1990, que le musée fut ouvert, pour la première fois, au public. En été, le parc communal voisin de l'hôtel Gorin et ses jets d'eau attirent les étudiants, les amoureux comme les personnes âgées venus goûter un peu de tranquillité en écoutant le murmure des fontaines. Jadis, lors du concert au parc de l'harmonie des Volontaires Pompiers tournaisiens dans le cadre de l'ouverture de la kermesse de septembre, celles-ci se paraient de multiples couleurs.
Les résidences et maisons particulières.
Le partie gauche de la place lorsqu'on la regarde depuis la salle des Concerts est composée de maisons bourgeoises et de résidences à appartements de haut standing.
Après les bombardements de 1940, les maisons à étage (voir photo du haut) qui se situaient entre le restaurant des Trois Pommes d'Orange et la rue Garnier ont été reconstruites avec un étage mansardé, permettant ainsi de dégager la vue vers la cathédrale et le beffroi à partir du parc communal.
On a longtemps évoqué le projet de créer un parking souterrain, en le situant tout d'abord sous la place et ensuite sous le parc communal. Ce projet semble tombé aux oubliettes car, si le problème de stationnement est important à Tournai, le parking de la rue Perdue n'affiche jamais complet. Cette place à caractère résidentiel accueille néanmoins des professions libérales (dentiste, bureau d'avocats, cabinet d'assurances) mais aussi, dans un immeuble situé entre la rue d'Espinoy et le parc communal, les bureaux tournaisiens du journal "La Dernière Heure". Son parking affiche toujours "complet", il est principalement occupé par les personnes fréquentant le conservatoire de musique et par des visiteurs qui y laissent leur véhicule afin d'aller visiter ou se restaurer sur la Grand-Place. Jusqu'au transfert des kermesses de mai et de septembre sur l'esplanade de l'Europe, les gros métiers forains s'y installaient régulièrement.
*façadisme : ne conserver que la façade en détruisant tout le reste.
(sources : "Tournai, Ancien et Moderne de A.F.J Bozière, ouvrage réédité en 1974 - "Tournai perdu, Tournai gagné", ouvrage édité par l'asbl Pasquier Grenier en 2013 - presse locale - photos : Le Courrier de l'Escaut et collection personnelle de l'auteur).
S.T. novembre 2015.